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Chapitre 1: La neutralité, un principe obsolète

Sébastien Jambort écrivait dans un article que « le droit fiscal des sociétés comporte actuellement certaines incohérences qui tiennent à l’absence de neutralité fiscale[51] » (Section I). En réaction à cela, les praticiens se sont livrés à une quête semée d’embûches dans le but de parvenir à une certaine neutralité fiscale (Section II).

 

Section I :  La fiscalité, source de non-neutralité

 

Le législateur utilise l’obligation fiscale afin d’orienter le comportement des entreprises en matière de distributions de dividendes (I). À propos du sujet qui nous intéresse, le législateur utilise l’arme fiscale afin de dissuader les entreprises de distribuer leurs dividendes (II).

 

I°/ La fiscalité, un instrument politique orienteur

 

La principale raison qui permet à un législateur d’orienter le comportement des sociétés distributrices, c’est que ces normes s’adressent avant tout à des êtres humains affectés d’un certain nombre de biais (A). Conscient de cela, le législateur ne cache plus ses intentions et se livre désormais à une véritable politique fiscale dont l’objectif est « d’orienter, réguler, promouvoir l’activité économique, encourager ou dissuader les comportements ou activités jugées souhaitables ou non[52] » (B).

 

A°/ La psychologie humaine

 

            Il est rare de mettre en relation le domaine juridique et les travaux en Sciences Humaines, hormis quelques rares cas à l’image du Droit Boursier, qui, suite à la crise des « subprimes » de 2007 a recouru à la notion des biais cognitifs afin de tenter d’expliquer les raisons d’une crise financière d’une telle ampleur. Ainsi étaient notamment mis en avant les biais de confirmation d’hypothèses, les biais rétrospectifs[53], le biais de simplification[54], ...

            Un rapprochement entre le droit Fiscal des affaires et les Sciences Humaines semble intéressant dans la mesure où il revient aux membres de l’Assemblée Générale qui décident de constater les bénéfices et éventuellement de les distribuer. C’est parce que ces personnes sont des personnes physiques, qu’elles sont nécessairement concernées par les Sciences Humaines.

            Notre propos pourra s’articuler autour de deux axes principaux : un goût pour la désobéissance (1), mais aussi des liens existant entre les représentations sociales et le droit fiscal (2).

 

1°/ Le goût pour la désobéissance

 

            Lorsque l’on parle du goût du risque, il est une image que tout le monde a en tête, à savoir celle des petits-enfants à qui les parents apprennent à obéir[55]. Lorsque l’on est petit, nous partons du principe que tout ce qui n’a pas déjà été interdit est autorisé. Toutefois, lorsqu’un enfant se voit interdire de faire quelque chose par ses parents, celui-ci adoptera un comportement qu’il convient d’analyser en trois temps.

Dans un premier temps, l’enfant se résignera à abandonner son idée, ce qui le poussera à ne pas mettre en pratique ce qu’il avait l’intention de faire.

Dans un deuxième temps, l’enfant va essayer de mener à son terme l’acte qu’il n’a pas eu la possibilité de réaliser la première fois.

Dans un troisième et dernier temps, l’enfant, suite aux réprimandes de ses parents en raison de la désobéissance dont il a fait preuve, prendra conscience de son acte fautif et ne le réalisera plus, du moins nous pouvons l’espérer.

            Dans le cadre des distributions de dividendes, les entreprises peuvent avoir un comportement assez semblable à celui d’un enfant. Toutefois, il y a une donnée majeure qui distingue les deux, c’est que les actes relevant du licite et de l’illicite sont déjà connus d’avance.

            Une société qui distribue des dividendes va partir du même postulat, à savoir que ce qui n’est pas interdit par la loi est par principe autorisé.

De ce fait, l’entreprise soucieuse de distribuer des dividendes va alors utiliser la liberté offerte par le législateur sans jamais franchir la frontière de l’interdit, afin d’optimiser et par la même occasion essayer de neutraliser au maximum la taxation des dividendes mis en distributions. Nous y trouvons peut-être un écho de la théorie développée par Marc Serrand, selon laquelle il convient de désobéir. En effet, le dirigeant de société aurait deux options : soit il obéit au législateur fiscal, mais est lourdement taxé, soit à l’inverse, il désobéit au législateur tout en ne franchissant pas la frontière de l’interdit afin de bénéficier d’une économie d’impôt non-négligeable.

 

Le fait que la société distributrice ne franchisse pas la frontière de l’interdit, à l’inverse de l’enfant, lui permet de ne pas s’exposer à d’éventuelles sanctions pécuniaires que pourrait prendre l’administration fiscale à son encontre.

 

Ainsi, en matière de distribution de dividendes, les entreprises ayant un goût du risque semblable à celui des enfants vont utiliser l’ensemble des facultés offertes par le législateur afin d’optimiser leurs distributions, tout en restant dans la légalité.

Par conséquent, les distributions de dividendes ne peuvent être neutres, puisque le fait de connaître ce qui est autorisé ou interdit aura nécessairement un impact sur le comportement de la société distributrice.

 

Toutefois, il y a un autre élément à prendre en compte dans le cadre d’une recherche de neutralité dans la taxation des distributions de dividendes, à savoir l’impact de nos représentations sociales sur notre comportement.

 

2°/ Les représentations sociales en droit fiscal des affaires

 

Depuis quelques années, se sont multipliées les références à la morale. Ainsi, il n’est pas rare de lire des articles faisant référence à la moralisation de la vie politique[56], la moralisation de la vie publique[57], ou bien encore, la moralisation de la vie des affaires[58], ...

 

            Le droit fiscal et la morale ont plus de liens qu’on ne pourrait le penser. Le lien entre ces deux notions a notamment été mis en avant au travers du « scandale des Paradise Papers[59] ». En effet, au cœur de ce scandale, était pointé du doigt le fait que des sociétés s’étaient livrées à de l’optimisation fiscale, et cela, dans l’unique dessein de ne pas être taxé.

Il est important de noter que dans le cadre des « Paradise Papers » ce qui est remis en cause, c’est le fait pour des dirigeants de sociétés, d’avoir utilisé les possibilités offertes par le droit fiscal afin de réduire leur montant taxable, tout cela sans qu’une quelconque fraude ne puisse leur être reprochée.

Le terme de « scandale » n’a sûrement pas été utilisé inconsciemment, il a été utilisé afin d’attirer l’attention des lecteurs sur le fait qu’une pratique légale puisse paraître contraire à la morale. Toutefois, en matière de morale, il convient de distinguer selon le groupe de référence par rapport auquel l’on se place.

 

En effet, l’individu est affecté par un certain nombre de représentations qui gèrent et orientent ces pratiques [60]. Ces représentations peuvent être définies comme une « association d'information, d'images, de sentiments qui nous servent à penser, communiquer avec autrui, mais surtout orientent nos comportements [61] ». Elles ont quatre fonctions essentielles : une fonction de savoir, une fonction identitaire, une fonction d’orientation et, finalement, une fonction justificatrice[62].

 

Le groupe de référence va revêtir une fonction importante, il va permettre de se comparer par rapport à d’autres groupes ou catégories afin d’évaluer son sort [63]. De ce fait, il convient de distinguer selon que le groupe de référence est celui des dirigeants de sociétés ou celui des particuliers.

            Si le groupe de référence est celui des dirigeants de sociétés, dans ce cas, ce qu’il leur paraît moral, c’est de réaliser des bénéfices et d’utiliser les dispositions fiscales afin d’être faiblement, voire exonéré de toute taxation. À l'inverse, ce qui est amoral pour eux, c’est de ne pas utiliser l’ensemble des facultés prévues par le législateur et d’être lourdement taxé une ou plusieurs fois sur les bénéfices réalisés.

            Si le groupe de référence est celui des personnes physiques, alors ce qui leur paraît moral, c’est que les entreprises voient leurs bénéfices taxés tout comme elles voient leurs revenus du travail imposés. Pour ce groupe de référence, il est à noter que l’idée de morale et de justice vont quasiment de pair. À l'inverse, ce qui est immoral pour ce groupe de référence, c’est d’utiliser l’ensemble des prérogatives prévues par le législateur afin de ne pas voir les bénéfices imposés. Ce sentiment est sans doute justifié par le fait que les particuliers ont le sentiment que l’optimisation fiscale est réservée aux seuls dirigeants de sociétés pouvant bénéficier de conseils fiscaux.

Toutefois, à l’intérieur même de ce groupe, il ne paraît pas amoral d’essayer d’optimiser ses revenus afin d’être faiblement imposé. Ce sentiment est souvent guidé par l’idée d’une justice fiscale entre les groupes de référence, avec cette idée que si les dirigeants ne sont pas taxés ou peu alors il est normal qu’ils bénéficient du même régime de faveur.

 

            Ainsi, en matière de distributions de dividendes, le premier groupe (celui des dirigeants de sociétés) essaiera d’optimiser ces distributions afin d’être peu ou prou taxé, car cela leur paraîtra moral, tandis que le second (celui des particuliers) lui reprochera une faible voire une absence de taxation en considérant cela comme étant immoral.

De ce fait, puisque l’Homme voit son comportement affecté par ses représentations sociales, son comportement ne peut pas être neutre. Celui-ci est nécessairement influencé, biaisé.

Tout cela doit néanmoins être nuancé, car il n’existe pas toujours de liens de causalité entre l’appartenance de l’individu à un groupe et le degré avec lequel il partage les opinions des autres membres de ce groupe[64].

 

            Le législateur conscient qu’il est possible d’orienter le comportement des contribuables, a développé une véritable politique fiscale en matière de distribution de dividendes.

 

B°/ La politique fiscale

           

            La neutralité fiscale peut être de plusieurs ordres. Ainsi, elle peut être à la fois économique, morale ou administrative. Néanmoins, un impôt neutre ne devrait avoir pour fonction ni de punir les riches ni de moraliser les pauvres, mais pour unique fonction de financer les dépenses publiques en altérant aussi peu que possible les règles du marché économique[65].

 

Néanmoins, à un État « désintéressé » s’est substitué un État « interventionniste ». Ce nouvel État n’hésite plus à mener une véritable politique fiscale[66] qui, « en modulant le taux et l’assiette des impôts sur la dépense et le revenu, agit « sur le comportement des agents économiques » afin d’atteindre les objectifs recherchés [67]. Cette modification de la finalité de l’impôt est souvent associée à la transformation de l’État-gendarme en État-providence[68].

Ainsi, l’impôt est devenu à notre époque moderne, un « art de gouverner ». En effet, plutôt que d’interdire ou punir, il vise à « influencer », « orienter », « stimuler » ou « inciter » les contribuables[69].

En résumé, désormais, la politique fiscale sert à « orienter les comportements des contribuables entreprises ou particuliers, dans la direction souhaitée par les pouvoirs publics[70] ».

 

            L’impôt a été utilisé par le législateur afin d’orienter le comportement des contribuables dans un certain nombre de domaines.

Il a d’abord été utilisé afin d’influencer le comportement des contribuables en taxant les droits sur l’alcool et le tabac. Suite à cela, cette méthode s’est diffusée à un certain nombre de produits, tels que la taxe pollueur-payeur afin de sanctionner les atteintes à l’environnement[71], les surtaxes sur les activités pornographiques ou encore sur les produits alimentaires favorisant l’obésité.

 

            Cette fiscalité « orientatrice » peut faire l’objet d’un certain nombre de reproches, notamment en ce qu’elle favorise « ceux qui ont les moyens d’en bénéficier et pénalise ceux qui sont moins bien informés ou qui n’ont pas les moyens d’utiliser les possibilités d’y échapper ou d’opter pour les niches fiscales [72]».

            Toutefois, elle peut présenter un avantage non-négligeable, qui lui permet d’être utilisée afin de remplacer une mesure d’encadrement ou d’interdiction que le pouvoir réglementaire peinerait à prendre[73].

 

            Conscient du poids de la fiscalité dans les décisions des contribuables l’Institut Messine (think tank créé en 2014 et composé de directeurs fiscaux, avocats fiscalistes, chefs d'entreprises de petites et moyennes entreprises ou de grands groupes et de commissaires aux comptes) vient de publier un rapport dénommé « Peut-on vraiment orienter le comportement des entreprises par l’impôt ? [74]», destiné à « mesurer l’impact réel des mesures fiscales sur le développement et les choix d’investissement des entreprises » comme l’a indiqué Michel Léger[75]. 

 

Ce rapport résumé par Patrick Coquart[76] indique que la fiscalité a deux fonctions principales : une fonction incitative et une fonction punitive (ou dissuasive).

 

Dans le premier cas, les entreprises sont incitées à investir et développer leurs activités dans une direction privilégiée par le législateur. La mesure fiscale procure alors une économie d’impôt, sous la forme d’une réduction de taux, d’une réduction d’assiette imposable, ou de l’octroi d’un crédit d’impôt. Nous pouvons alors parler de « carotte fiscale ».

La fiscalité incitative a également été définie par le Professeur Ludovic Ayrault, dans son ouvrage de Droit Fiscal Général, où il considère qu’un impôt incitatif est un impôt qui vise à « entraîner le contribuable à participer à la réalisation d’un projet d’intérêt public, à opter pour un mode particulier de gestion de son patrimoine à des fins d’ordre économique ou social, ou plus généralement à adopter un comportement conforme à un objectif déterminé par la loi. Le moteur des mesures incitatives est constitué par l’économie d’impôt qui est promise au contribuable[77] ».


            Dans le second cas, le législateur entend encadrer les comportements qu’il condamne en alourdissant la charge fiscale au travers d’une augmentation de l’impôt ou de l’application de pénalités. Nous pouvons alors parler de « bâton fiscal ».

Le Professeur Ludovic Ayrault a également défini la fiscalité dissuasive comme étant un ensemble de mesures visant « à détourner le contribuable d’un projet, à l’amener à ne pas intervenir dans un domaine déterminé, à ne pas poursuivre son activité dans les conditions où il l’exerce et, d’une manière plus générale, à renoncer à un comportement considéré comme préjudiciable à un intérêt collectif. Elle se réalise au moyen d’une imposition supplémentaire à laquelle il serait assujetti, s’il refuse de renoncer à son projet ou d’abandonner son activité ou de modifier son comportement[78] ».

 

Comme le souligne Patrick Coquart, les rédacteurs du rapport Messine ne s’étendent pas sur le caractère contestable de la politique fiscale. Toutefois, ils soulignent que « la neutralité économique de l’impôt » est « une vertu qui devrait être cultivée ».

De ce fait, pour qu’un impôt soit considéré comme « bon », il ne devrait pas influencer les entreprises et les personnes dans la manière de gérer leur argent ou d’investir. L’idée qui est sous-entendue ici, est que la liberté est le meilleur gage de prospérité [79].

Ainsi, la neutralité s’oppose à l’interventionnisme.

           

            Les distributions de dividendes n’ont pas été épargnées par la politique fiscale qui a tantôt eu pour objectif de dissuader les entreprises de distribuer leurs dividendes, que de les inciter à les distribuer sous certaines réserves.

 

Les dividendes sont taxés de multiples fois. En effet, ils sont taxés lors de leur réalisation, lors de leur mise en distribution et enfin lors de leur encaissement par le bénéficiaire. À noter, qu’il convient d’ajouter à cela, une taxation au titre des prélèvements sociaux.

 

Tout d’abord, lors de leur réalisation les dividendes sont taxés au taux de 33,33 % lorsque l’on est en présence d’une société de capitaux[80]. À l'inverse, lorsque l’on est en présence d’une société de personnes, les dividendes sont taxés au barème progressif de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (qui connaît actuellement un taux marginal de 45 %), car réputés directement revenir aux associés de la société [81].

Ensuite, jusqu’il y a encore récemment, les dividendes mis en distributions étaient taxés du simple fait de cette décision à un taux de 3 %[82], sauf à bénéficier du régime mère-fille ou de l’intégration fiscale.

Ensuite, les dividendes sont à nouveau taxés lors de leur encaissement définitif. Ils sont imposés, à l’impôt sur les sociétés si la société bénéficiaire in fine est une société de capitaux (à condition qu’elle ne bénéficie pas des régimes de faveur), soit à l’impôt sur le revenu des personnes physiques si le bénéficiaire in fine était une société de personnes ou une personne physique.

À tout cela, il convient d’ajouter une taxation au titre des prélèvements sociaux à un taux de 17,2 % depuis le 1er janvier 2018.

 

            De ce fait, en matière de distributions de dividendes, il est clairement visible que la politique fiscale qui avait été menée jusqu’alors par le législateur, avait pour objectif de dissuader les entreprises à distribuer leurs bénéfices en multipliant le nombre de taxations auxquelles était soumis un seul et même revenu.

 

            La politique fiscale qui semble découler de la loi de finances pour 2018, semble opérer un virage à 360 degrés. En effet, les dividendes sont désormais taxés à un taux unique de 30 %[83] (ce qui comprend 17,2 % de prélèvements sociaux et 12,8 % d’impôt sur le revenu, sauf à opter pour l’application du barème progressif de l’impôt sur le revenu des personnes physiques).

 

            Ainsi, la nouvelle politique fiscale semble favorable à la distribution des dividendes. Toutefois, en multipliant les impositions auxquelles un seul et même revenu est soumis, le législateur tend à décourager les entreprises de distribuer leurs dividendes, bien que la loi de finances pour 2018 ait tenté d’améliorer les choses.

 

II°/ Les multiples impositions facteur de dissuasion

 

            Le législateur décourage les entreprises en ce qui concerne la distribution de dividendes en les soumettant aux prélèvements sociaux (B), ainsi qu’en cumulant les impôts sur le capital ou les revenus (A).

 

A°/ Une taxation en chaîne des bénéfices

 

            Pour qu’il y ait neutralité fiscale, il faut que deux conditions soient réunies. D’une part, il ne faut pas que la mesure fiscale influence le comportement des contribuables et d’autre part, il ne faut pas taxer plusieurs fois un même revenu.

Dans le cadre du présent paragraphe, nous allons nous intéresser aux multiples impositions auxquelles les dividendes sont soumis.

 

            Si les sociétés de personnes ne semblent pas être concernées par les multiples impositions puisque les bénéfices réalisés par la société sont directement imposables entre les mains des actionnaires, tel n’est pas que le cas des sociétés de capitaux.

            En effet, comme nous l’avons indiqué lors de notre introduction, les dividendes que nous analysons correspondent aux bénéfices mis en distribution à la suite d’une décision de l’Assemblée générale des actionnaires. Ainsi, qui dit dividendes dit forcément bénéfices.

 

            Le législateur a prévu à l’article 2019 du CGI que le « taux normal de l’impôt » sur les sociétés « est fixé à 33,1/3 % [84]». Ainsi, chaque fois qu’une société soumise à l’impôt sur les sociétés réalise un bénéfice appréhendable, elle doit s’acquitter de cet impôt.

Cet impôt vient impacter les facultés de distribution des dividendes dans la mesure où une société devra tout d’abord s’acquitter de cet impôt avant de procéder à toute éventuelle distribution de dividendes.

 

            Dans un monde qui ne connaît peu ou prou de frontière, mais également à l’heure du numérique les comparaisons entre États sont d’autant plus facilitées.

Ce sont les raisons principales qui expliquent que le taux de l’impôt sur les sociétés a fait l’objet de nombreuses critiques. A ce titre nous pouvons citer Le Figaro qui titre « Impôt sur les sociétés : la France est à la traîne [85]» ou encore France info qui titre « Les entreprises françaises sont beaucoup plus taxées que les Allemandes [86]».

 

Le taux de l’IS a notamment été critiqué par le patronat qui considérait que les entreprises françaises étaient défavorisées face à leurs concurrentes étrangères localisées en Irlande ou au Royaume-Uni, où leur taux d’IS est respectivement de 12,5 % et 20 %.

C’est face aux diverses, mais nombreuses critiques qui pèsent sur cet impôt que le législateur français a décidé d’intervenir.

Il a ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2018, décidé d’abaisser le montant de l’impôt sur les sociétés année après année afin de parvenir à un taux de 25 % en 2022[87].

Afin d’avoir une vision complète et synthétique de la réforme de l’impôt sur les sociétés qui nous attend le tableau suivant peut-être proposé.

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Le gouvernement a décidé de baisser progressivement le taux de l’IS afin de passer d’un taux apparent de 33,33 % à un taux de 25 %, auquel il conviendra d’ajouter les contributions sociales pesant sur les dividendes[88].

Si le gouvernement souhaite diminuer le taux de l’IS afin de devenir plus compétitif avec les pays qui nous entourent, cette diminution du taux de l’IS va forcément impacter le montant de l’impôt que les sociétés de capitaux doivent acquitter chaque année.

Afin d’estimer l’économie potentielle que peut avoir la diminution du taux de l’IS, il est possible de se référer à l’exemple mis à disposition sur le site Legifiscal.

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En décidant de diminuer le taux de l’IS entre 2018 et 2022, le contribuable va réaliser d’importantes économies. Ainsi, pour un bénéfice de deux millions, si la société était redevable de 666.667 € en 2022 elle ne sera redevable que de 500.000 € soit une économie d’impôt de 166.667 €.

 

            En diminuant le taux de l’IS, le législateur semble vouloir instaurer une meilleure neutralité fiscale. Toutefois, en réalité, les choses sont bien différentes.

 

Lorsque la société réalise des bénéfices, celle-ci devra alors s’acquitter de l’impôt sur les sociétés que nous venons de voir. Mais, si elle décide de distribuer les bénéfices qu’elle a réalisé sous forme de dividendes aux actionnaires, ces derniers seront alors redevables de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.

En effet, les contribuables, personnes physiques, verront les dividendes perçus imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu, sur la base de la nouvelle valorisation telle que figurant ci-dessous.

 Néanmoins, si la société décide de distribuer des dividendes alors à cet impôt acquitté, viendra s’en ajouter un autre.

Les différents tableaux proposés nous permettent de nous rendre compte qu’un seul et même revenu est imposé successivement deux fois : une première lors de sa réalisation et une seconde fois lors de sa perception par le contribuable personne physique.

Jusqu’il y a encore récemment, ce seul, et même revenu subissait, non pas deux, mais trois impositions successives : une première lors de sa réalisation, une deuxième lors de sa mise en distribution, et finalement une troisième lors de sa perception.

           

            Si les sociétés de capitaux semblent être affectées par le problème des multiples impositions tel ne semble pas être le cas des sociétés de personnes. En effet, ces dernières sont caractérisées par leur semi-transparences. Cela conduit à imposer les bénéfices réalisés par la société directement entre les mains des associés. Autrement dit, dans le cadre d’une société de personne les bénéfices ne sont imposés qu’une seule et unique fois.

 

Si de primes abords le régime fiscal des sociétés de personnes semble plus intéressant que celui des sociétés de capitaux, car il permet de faire l’économie d’un impôt, en pratique les choses sont quelque peu différentes.

En effet, le régime fiscal des sociétés de personne présente comme inconvénient majeur le fait que le taux marginal d’imposition est de 45 % tandis que le taux de l’IS est de seulement 33,33 %.

Ainsi, un contribuable n’aurait intérêt à opter pour le barème progressif que si les bénéfices réalisés par la société et les autres revenus qu’il perçoit ne le soumettent tout au plus qu’au taux de 30 %. Dès lors que les bénéfices réalisés par la société et les autres revenus qu’il perçoit le soumettent à une tranche d’imposition plus élevée le contribuable a tout intérêt à opter pour l’impôt sur les sociétés.

 

En pratique, il est plus intéressant pour les nouvelles sociétés d’opter pour une imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu afin de pouvoir déduire les déficits, fréquents au démarrage, de ses impôts. Mais, dès lors que l’on pense que la société réalisera d’importants bénéfices ou que l’on perçoit d’autres revenus susceptibles de faire passer le cap des 72.617 €, il est conseillé d’opter pour l’impôt sur les sociétés si la forme sociale le permet.

 

En imposant au contribuable de choisir la forme sociale la plus adaptée à son activité et à ses attentes, le régime fiscal, le plus avantageux (voir à changer son régime fiscal en cours de vie sociale afin d’optimiser ses modalités d’imposition), le législateur porte une importante atteinte au principe de neutralité.

 

De plus, comme si l’ensemble des impôts qui pèsent sur un seul et même revenu ne suffisaient pas, le législateur a également décidé de les soumettre aux prélèvements sociaux.

 

B°/ Une taxation aux prélèvements sociaux

 

            « Les dividendes perçus par des actionnaires personnes physiques au cours de l’année 1997 subiront de plein fouet l’augmentation du taux de la Contribution sociale généralisée » (ci-après CSG) « et des autres cotisations sociales votées par le Parlement en décembre dernier [91]», tel pourrait être le chapeau introductif d’un article de presse publié en 2018, suite à la hausse de la CSG.

La CSG avait été instaurée le 29 décembre 1990 sous les articles L. 136-1 à L.136-8 du Code de la Sécurité sociale. Ces textes, modifiés à de multiples reprises, ont été modifiés pour la dernière fois par la loi de financement de la Sécurité sociale en date du 30 décembre 2017[92], afin d’augmenter la CSG de 1,7 point[93].

Antérieurement, à cette hausse, la CSG auxquels sont soumis les dividendes avait déjà été portée progressivement à un taux de 11 % avant le 1er janvier 2009, pour atteindre un taux de 15,5 % depuis le 1er janvier 2012[94].

 

En matière d’imposition à la CSG, il convient de savoir quel revenu est concerné par cette imposition, car le taux varie selon que le revenu est considéré comme étant issu d’une activité, du patrimoine ou d’un placement.

Conformément aux dispositions du CGI [95], dès lors que les dividendes sont payés par une personne établie en France à des personnes physiques fiscalement domiciliées en France, ils sont assujettis aux contributions sociales au titre des produits de placement, à un taux de 9,9 %.

 

            Toutefois, et de manière exceptionnelle, les revenus distribués peuvent être soumis aux prélèvements sociaux au titre des revenus du patrimoine.

Cela concerne tout d’abord, les revenus distribués qui sont versés sur le compte professionnel d’un entrepreneur individuel ou d’un professionnel libéral lorsque ceux-ci ne donnent pas lieu au paiement à la source des prélèvements sociaux au titre des revenus de placements. De ce fait, si les produits sont retranchés des résultats professionnels et déclarés à l’impôt sur le revenu des personnes physiques dans la catégorie des capitaux mobiliers, ils seraient imposés aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine[96].

Ensuite, cela peut également concerner, les sommes ou valeurs prélevées ou non sur les bénéfices.

Finalement, cela peut concerner les rehaussements qui auraient pu être apportés aux résultats déclarés, à la suite d'un contrôle fiscal, puisque ces revenus sont réputés distribués dans la mesure où ils ne sont pas demeurés investis dans l’entreprise.


            En plus d’être imposés à la CSG, les dividendes sont également imposés à la contribution à la réduction de la dette sociale (ci-après CRDS).

Cette contribution avait été instaurée, en 1996, à titre exceptionnel et temporaire afin d’apurer le déficit du régime général de sécurité sociale des années 1994 et 1995 ainsi qu’une partie du déficit prévisionnel de 1996 et d’alimenter la caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). Au départ instituée pour une durée de 13 ans[97], prolongée une première fois pour une durée maximale de 18 ans[98], cet allongement a finalement fait l’objet d’une dernière modification afin de fixer la dette de fin de la CRDS à l’extinction des missions de la caisse d’amortissement de la dette sociale[99]. Pour l’heure, le taux de la CRDS est de 0,5 %.

 

            À ces deux contributions sociales, il convient d’en ajouter trois supplémentaires auxquelles sont également soumis les dividendes.

Tout d’abord, les dividendes sont soumis à un prélèvement social dont le taux actuel est de 4,5 %[100]. Ce prélèvement a été institué le 19 décembre 1997[101], et codifié aux articles L. 245-14 à L.245-16 du Code de la Sécurité sociale, auquel l’article 1600-0 F bis du CGI renvoie.

 

Ensuite, ils sont soumis à une contribution additionnelle de 0,3 % qui a été instituée par une loi en date du 30 juin 2004[102], codifiée à l’article L. 14-10-4, 2° du Code de l’action sociale et des familles.

Finalement, ils sont soumis à un prélèvement de solidarité de 2 % qui a été institué par une loi en date du 17 décembre 2012[103], codifié à l’article 1600-0 S du CGI.

 

            Afin d’avoir une vision plus synthétique de l’ensemble des contributions sociales auxquelles sont soumis les dividendes et de leur taux, le tableau suivant peut-être proposé :

Ainsi, les dividendes mis en distributions supportent une contribution sociale qui s’élève à 17,2 %. De plus, afin d’accentuer cette imposition, la contribution sociale est calculée sur le montant brut des dividendes (c’est-à-dire sans déduction des frais et charges, telles que les droits de garde, les frais d’encaissements, ...), et augmentée, le cas échéant, du crédit d'impôt étranger tel que prévu par une éventuelle convention fiscale internationale.

 

            De ce fait, la taxation, à laquelle les dividendes sont soumis, est en parfaite contradiction avec le principe de neutralité. L’atteinte au principe de neutralité est caractérisée dans la mesure où, un seul et même revenu est taxé de manière consécutive cinq fois. 

 

            Toutefois, un argument adverse pourrait être soulevé. Il consisterait à défendre l’idée selon laquelle les contributions sociales ont un objet particulier, et que celui-ci ne doit pas être confondu avec celui des impôts.

Néanmoins, le Conseil constitutionnel par une décision du 28 décembre 1990 a considéré que la CSG devait être analysée non comme une cotisation sociale, mais comme un prélèvement fiscal entrant dans les impositions de toute nature telles que visées à l’article 34 de la Constitution[104]. De ce fait, cet argument semble être d’une portée limitée.

Par la suite, le Conseil d’État a validé cette position du Conseil constitutionnel dans deux arrêts du 7 janvier 2004[105] et du 15 juin 2005[106] où il a considéré qu’en l’absence de lien entre « l'obligation faite par la loi d’acquitter » la CSG et la CRDS et « l’ouverture d’un droit à une prestation ou un avantage servis par un régime de sécurité sociale ». Par conséquent, « ces prélèvements ont le caractère d’imposition de tout nature et non celui de cotisations de sécurité sociale, au sens des dispositions constitutionnelles et législatives nationales ».

 

            Monsieur Gaston Jèze considérait qu’un impôt était constitué par divers éléments, à savoir : une prestation en valeur pécuniaire, non suivie d’une contrepartie spéciale, perçue autoritairement, établie selon des règles fixes, destinée à la couverture de dépenses d’intérêt général[107]. S’il est vrai que la notion « impositions de toute nature » ne répond pas à la définition posée, la notion englobe bien évidemment celle d’impôt.

 

            De ce fait, les contributions sociales étant considérées comme des impositions de toute nature, et que cette notion englobe par extension celle d’impôt, alors le fait qu’un seul et même revenu (c’est-à-dire les dividendes) soit imposé plusieurs fois, constitue une importante atteinte au principe de neutralité.

 

            Afin de réduire cette atteinte, le législateur a permis qu’une partie de la CSG soit déductible du revenu global imposable l’année de son paiement pour un taux de 6,8 %[108].

Toutefois, malgré cette volonté du législateur, le contribuable reste redevable de cotisations sociales pour un montant global de 10,4 %, qui viennent s’ajouter à d’autres impositions dues à d’autres titres.

Si l’atteinte au principe de neutralité tente d’être atténuée en apparence, il n’en est rien en pratique, car seule une partie de la CSG est déductible. Suite à cette déduction, le taux réel de la CSG est de 3,1 %, toutefois, le contribuable continue d’être imposé de manière successive cinq fois au titre des contributions sociales. Ces contributions sociales constituant cinq atteintes successives au principe de neutralité.

 

Le contribuable affecté par ses multiples impositions qui affectent ses dividendes s’est mis en quête d’une neutralité fiscale, néanmoins celle-ci s’annonce semée d’embûches.

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Section II :  Une quête de neutralité semée d’embuches

 

            Les contribuables, personnes physiques ou morales, ont développé des compétences en matière fiscale afin d’optimiser les distributions de dividendes (I). Toutefois, le législateur voyant ces pratiques d’un mauvais œil en raison de la baisse de recettes a tenté de lutter contre ces comportements jugés déviants (II).

 

I°/ La recherche constante d’une optimisation fiscale

 

            Les contribuables en quête de neutralité fiscale tentent d’arbitrer les avantages fiscaux relatifs aux différents modes de paiement des dividendes (A). De plus, ces derniers tentent de déterminer s’il est plus intéressant fiscalement de percevoir des dividendes plutôt qu’une rémunération sous forme de salaire (B).

           

A°/ Les modes de versement des dividendes

 

Verser un dividende est devenu un mode classique de rémunérer les actionnaires. En effet, ce mode de rémunération présente un certain degré de liberté dès lors que les règles impératives du droit des sociétés sont respectées. Il est important de noter qu’il existe un décalage entre le moment où le bénéfice est réalisé par la société et le moment où l’assemblée des associés ou actionnaires statue sur l’affectation de ce bénéfice et décide de le mettre en paiement[109]...

Toutefois, pour de multiples raisons, notamment politiques et financières, s’est développée une ingénierie financière destinée à optimiser la distribution des dividendes, en recourant à un véritable « dividend management »[110].

L’ensemble des moyens de paiement du dividende sont concernés, à savoir, le paiement en numéraire (1), le paiement en action (2) et le paiement par remise de biens (3).

 

1°/ Le paiement des dividendes en numéraire

 

L’article 158 du CGI dispose que « lorsqu’ils sont payables en espèces », les revenus de capitaux mobiliers « sont soumis à l’impôt sur le revenu au titre de l’année, soit de leur paiement en espèces ou par chèque, soit de leur inscription au crédit d’un compte »[111].

De ce fait, en ce qui concerne les dividendes, il n’est pas nécessaire de tenir compte de leur échéance, mais uniquement de la date d’encaissement définitif ou de leur inscription au crédit d’un compte, cette dernière possibilité étant considérée comme un encaissement [112].

 

            En optant pour une lecture a contrario, il est possible d’en déduire, que tant que le dividende n’a pas été payé en espèces, par chèques ou versé sur un compte individuel ouvert au nom de l’associé, celui-ci ne peut être considéré comme perçu.

            Ce raisonnement a contrario a été repris par le Conseil d’État et les cours administratives d’appel qui considèrent que dès lors que les dividendes ont été inscrit sur un compte collectif, cette inscription n’est pas assimilée fiscalement à un encaissement et la distribution ne peut pas être regardée comme étant réalisée[113].

 

            Toutefois, il existe trois cas, qui, alors même que les conditions légales sont réunies, permettent de faire échec à l’imposition des dividendes perçus.

Cela concerne tout d’abord, les cas dans lesquels les dividendes se rapportent à des parts ou actions comprises dans une succession contestée ou acceptée sous réserve d’inventaire.

Mais cela peut également concerner les cas dans lesquels le bénéficiaire des dividendes n’a pas pu effectivement disposer des sommes inscrites à un compte pour des motifs indépendants de sa volonté.

            Finalement, cela peut concerner les cas dans lesquels une distribution de dividendes a été votée, mais que la situation financière de la société rend impossible le prélèvement des dividendes[114].

 

            En revanche, il n’est pas question de faire échec à l’imposition des dividendes pour n’importe quel motif. Ainsi, le Conseil d’État a considéré que les dividendes distribués à un dirigeant pouvaient être imposés dès lors qu’il n’existait aucun obstacle, d’ordre juridique ou pratique l’empêchant de les percevoir, celui-ci refusant de les percevoir simplement en raison d’un différend l’opposant aux autres dirigeants de la société[115].

 

            Les contribuables, dans un souci d’optimisation fiscale, pourraient être tentés de faire une donation des dividendes à un tiers (membre de leur famille ou non).

Toutefois, le Conseil d’État par un arrêt du 12 février 2014 a rendu ce schéma beaucoup moins avantageux pour le donnant en indiquant que « les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, sont celles qui, au cours de cette année, ont été mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription à un compte-courant sur lequel l'intéressé a opéré ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre ; que doivent notamment être regardées comme mises à la disposition du contribuable les sommes distribuées à titre de dividendes attachés à des actions ou parts sociales qu'il détient et qui n'ont pas fait l'objet d'un démembrement du droit de propriété ayant pour effet de le priver de la disposition de ces sommes ou d'une convention portant sur leur usage ayant le même effet ».

 

Afin d’optimiser les distributions de dividendes, il peut être intéressant d’opter, soit pour la conclusion d’une convention privant le cédant de la disposition des dividendes, soit d’un démembrement. Si le cédant opte pour la dernière possibilité, sera alors cédé à titre onéreux un usufruit temporaire, conformément aux dispositions de l’article 15 du CGI, ce qui présentait l’avantage jusqu’en 2018, de soustraire les titres à l’assiette de l’ISF[116].

Toutefois, il est possible d’essayer d’optimiser la distribution des dividendes en préférant les verser sous forme d’actions.

 

2°/ Le paiement des dividendes en actions

 

Il convient de ne pas confondre trois techniques de paiement du dividende ayant un impact sur les actions de sociétés. La société peut choisir entre, libérer le dividende sous forme d’actions par incorporation de réserves, soit par attribution gratuite d’actions, soit par un rachat d’actions[117].

 

            Conformément aux dispositions de l’article L. 232-12 du Code de commerce, les dividendes peuvent être payés au moyen d’une remise d’actions nouvelles. Lorsque celle-ci intervient, la distribution constatée est imposable au titre des revenus de capitaux mobiliers comme si le dividende avait été payé en numéraire.

Toutefois, cette remise d’action détenue en portefeuille, ne constitue pas une cession d’actions. De ce fait, le droit de cession des droits sociaux prévu à l’article 726 du CGI ne sera pas exigible[118].

 

            Dans la mesure où ce mode de paiement du dividende est taxé sous le même régime que celui versé sous forme de numéraire, il y a peu de chance pour qu’il influence le comportement du contribuable. De ce fait, l’atteinte au principe de neutralité semble limitée.

Toutefois, la neutralité de ce mode de paiement peut être remise en cause dans la mesure où, suivant le même sort que les dividendes payés en numéraire, il subit les mêmes et multiples impositions.

 

La société peut néanmoins préférer attribuer des actions gratuites à ses actionnaires. Afin de réaliser cela, la société procédera à une augmentation de son capital en incorporant des réserves ou des bénéfices.

Conformément aux dispositions de l’article 109 du CGI, cette incorporation de réserves au capital ne constitue pas une distribution de revenus. De ce fait, sauf perception d’un droit fixe de 375 €, porté à 500 € lorsque la société a un capital d’au moins 225.000€, conformément à l’article 81 A du CGI[119]. Les attributions d’actions ou de parts sociales opérées en vertu de l’incorporation de réserves au capital sont exonérées d’impôts sur le revenu (article 112 du CGI).

Cette méthode, qui était tombée en désuétude, est revenue à la mode suite à la crise financière de 2008. Elle a notamment permis de « maintenir une politique de distribution significative sans entamer la trésorerie, à un moment où les liquidités se faisaient rares » [120].

 

Les avantages relatifs à ce mode de paiement sont divers. Au niveau de la société, elles voient augmenter leur capital, leurs fonds propres. Du côté des actionnaires de sociétés cotées, ceux-ci peuvent bénéficier d’une décote de 10 % maximum sur la moyenne des cours des 20 dernières séances précédant l'assemblée générale.

Toutefois, ce mode de règlement peut présenter certains inconvénients. Les actionnaires qui préfèrent percevoir un dividende en numéraire plutôt qu’en action vont voir leur participation dans le capital dilué de manière mécanique. De plus, les investisseurs institutionnels plébiscitent davantage les dividendes payés en numéraire.

Ce mode de paiement du dividende peut ainsi être privilégié par les contribuables en quête d’une faible taxation des dividendes. En effet, d’une pierre deux coups, cette technique leur permet de percevoir des dividendes non imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu ainsi que de voir, sa participation augmenter au sein de la société.

De ce fait, ce mode de paiement du dividende pouvant influencer de manière significative le comportement du contribuable en quête d’une optimisation fiscale, l’atteinte portée au principe de neutralité est d’ampleur similaire.

 

La dernière technique consiste en un rachat par la société de ses propres titres. Cette technique a soulevé certaines difficultés, ce qui a conduit le Conseil constitutionnel dans la décision QPC Machillot du 20 juin 2014[121] à censurer l’ancien régime d’imposition. Suite à cette censure, le législateur est intervenu par une loi de finances rectificative du 29 décembre 2014[122].

Désormais, conformément aux dispositions de l’article 112 du CGI, les sommes ou valeurs attribuées aux associés ou actionnaires ne seront pas considérées comme des revenus distribués, mais relèveront du régime des plus ou moins-values (privées ou professionnelles). Il convient néanmoins de distinguer trois cas :

Tout d’abord, lorsque l’associé ou l’actionnaire est une personne physique qui détient des titres d’une société dans le cadre de la gestion privée de son patrimoine, les sommes issues du rachat relèveront du régime des plus-values de cession de valeurs mobilières (article 150-0 A du CGI).

Ensuite, lorsque ces mêmes sommes, sont perçues par des personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés, elles relèveront du régime des plus ou moins-values de portefeuille-titre (article 209 du CGI).

Finalement, si la société relève de l’impôt sur le revenu, les sommes perçues lors du rachat seraient comprises dans son résultat imposable sous le régime des plus ou moins-values de cession de titres du portefeuille (article 39 duodecies du CGI).

 

Ainsi, il est possible de noter, qu’en raison de l’uniformisation du régime de rachat de titre, celui-ci semble plus avantageux pour les bénéficiaires personnes physiques puisque les abattements pour durée de détention vont faire diminuer le taux marginal d’imposition en cas de détention des titres pendant au minimum deux ans[123]. 

De ce fait, le contribuable en quête de neutralité essayera de calculer son niveau d’imposition pour chacun des trois régimes et optera in fine pour celui qui lui sera le plus favorable, c’est-à-dire, celui avec le plus faible taux d’imposition. De ce fait, ce mode de paiement du dividende ayant un impact non-négligeable sur le comportement des contribuables, il constitue une atteinte au principe de neutralité, justifiée par un souci constant d’optimiser ses dividendes.

Toutefois, il est possible d’essayer d’optimiser le paiement des dividendes en optant pour un paiement en nature.

 

3°/ Le paiement du dividende par remise d’un bien

 

            La société qui souhaite verser un dividende aux associés ou actionnaires peut opter pour une autre modalité de versement. Ce dernier consiste à remettre un bien en guise de paiement du dividende.

            Il semblerait, que l’assemblée générale puisse pouvoir imposer aux associés ce mode de paiement du dividende alors même qu’il n’a pas été prévu par les statuts. Il ne sera néanmoins valable, que si chaque associé peut percevoir un nombre entier de bien de même nature.

            Le paiement du dividende pourra consister en la remise d’un immeuble[124], de droits immobiliers[125], de parts de sociétés civiles immobilières[126] ou encore d’actions[127].

 

            En ce qui concerne ce moyen de paiement, s’est posée la question de savoir si les droits d’enregistrement et de publicité foncière pour mutation à titre onéreux fixés aux articles 682 et 683 du CGI étaient applicables.

Dans un premier temps, la Chambre Commerciale de la Cour de cassation dans une décision Rougier de 1990[128] a considéré que « le paiement du dividende aux possesseurs des parts d'une SARL sous la forme de remise de droits immobiliers appartenant à cette société ne constitue pas une cession de ces droits ». La cour considère qu’il ne s’agit pas d’une dation en paiement, mais d’une modalité d’exécution d’une obligation alternative souscrite par la société débitrice des dividendes. De ce fait, ce mode de paiement des dividendes est exclu de l’application des droits d’enregistrement.

            Par la suite, la Cour de cassation a confirmé sa position dans un arrêt rendu le 12 février 2008, à propos du paiement des dividendes par voie de remise d’un bien immobilier. Elle a considéré qu’il s’agissait d’un « acte unilatéral et non un contrat » et que, par conséquent, il ne pouvait s’accompagner d’une « transmission de propriété du bien immobilier à titre onéreux »[129].

 

Néanmoins, les avantages fiscaux de ce procédé sont à nuancer dans la mesure où, les associés personnes physiques sont imposés sur le revenu distribué dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. De ce fait, ils doivent disposer des liquidités suffisantes pour pouvoir se libérer du prélèvement de 21 %, des prélèvements sociaux et de l’imposition correspondante.

De plus, selon une communication de l’ANSA[130], les formalités de publicités prévues à l’article L. 141-12 du Code de commerce en cas de cession d’un fonds de commerce sont applicables à l’attribution d’un fonds à titre de dividende, dans la mesure où le texte vise tout transfert de propriété. Néanmoins, cette formalité est d’une utilité assez négligeable, car il a pour objet principal de permettre aux créanciers d’exercer leur droit d’opposition au paiement du prix, or en l’absence de prix payé, ce droit d’opposition n’a pas d’objet.

 

            De plus, du côté de la société, ce mode de paiement peut avoir un effet fiscal non-négligeable lorsque la valeur vénale du bien lors de sa mise en distribution est supérieure à la valeur nette comptable. En effet, la sortie du bien des actifs immobilisés peut entraîner l’imposition d’un produit qui selon sa nature sera taxé au taux de droit-commun ou selon le régime du long terme.

            Toutefois, rien ne s’oppose, si l’ensemble des dividendes distribués dégagent la même plus-value, à ce que la charge définitive de l’impôt soit supportée à titre définitif par la société, car in fine elle serait supportée par chacun des associés selon leurs droits aux dividendes.

            La solution est en revanche différente lorsque certains associés perçoivent un dividende en numéraire ou que la plus-value constatée soit d’inégale valeur. En effet, il y aurait une diminution de l’actif sociale au détriment de tous les associés, alors que cette diminution a sa source dans l’attribution dont seulement certains ont profité. Dans ce cas, il serait logique que la plus-value soit acquittée par les associés qui ont bénéficié des biens à l’origine de la taxation. Il serait alors logique que le montant de son dividende soit réduit du montant de l’impôt supporté par la société ou alors que la société puisse exercer à son encontre un recours en contribution[131].

           

            Si les contribuables cherchent à optimiser les dividendes en choisissant le mode de versement le plus avantageux fiscalement, ils se prêtent également à un autre arbitrage. Ce dernier est relatif au fait de savoir s’il est plus avantageux de percevoir des dividendes ou un salaire.          

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B°/ Rémunération ou dividendes

 

            Le contribuable en quête de neutralité fiscal se pose la même question à chaque nouvelle loi de finances, est-il plus intéressant de percevoir des dividendes ou une rémunération en tant que salarié ?

Afin de répondre à leurs questions, après la publication de chaque loi de finances, se multiplient les sites listant les avantages ou inconvénients de chacun des régimes.

           

            Nous verrons tout d’abord, que le contribuable en quête de neutralité va chercher à être le moins imposé possible (1), toutefois, il y a des facteurs extérieurs au droit fiscal qu’il convient de ne pas négliger dans sa prise de décision (2).

 

1°/ La recherche d’une neutralité fiscale

 

            Tout d’abord, le contribuable va se poser la question de savoir s’il préfère être imposé au barème progressif de l’impôt sur le revenu ou alors au prélèvement forfaitaire unique (ci-après PFU). Afin de comprendre plus facilement le mode de taxation selon chacune des options le tableau suivant peut-être proposé.

Grille de lecture :

Si l’associé ou actionnaire a opté pour le barème progressif, et que sa tranche marginale d’imposition est de 30 %. Pour un dividende perçu de 100 €, celui-ci bénéficiera tout d’abord d’un abattement de 40 %, puis il sera taxé au barème progressif et aux prélèvements sociaux. Soit une imposition totale de 31,97 €.

Si l’associé ou l’actionnaire a opté pour le PFU de 30 %. Le dividende perçu de 100 € ne bénéficiera pas de l’abattement de 40 %, il sera imposé au taux de 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu et de 17,2 % au titre des prélèvements sociaux. Soit une imposition totale de 30€.

 

            Ensuite, après que le contribuable ait envisagé sa taxation éventuelle pour chacune des tranches de l’impôt sur le revenu et au PFU, il devra estimer son imposition totale, s’il venait à percevoir le même montant, mais en tant que salaire. 

Grille de lecture :

            Pour un salaire net de 103,72 €, si le contribuable est imposé sous la tranche de 30 %, ce dernier aura le droit à un abattement de 10 % avant de voir son salaire imposé à l’impôt sur le revenu et à la CSG/CRDS. Soit une imposition totale de 38,31 €.

 

            Finalement, le contribuable en quête de neutralité comparera pour chaque tranche le gain qu’il pourrait réaliser en optant pour tel ou tel mode de rémunération (salaire ou dividende).

Grille de lecture :

            Si l’associé a opté pour le barème progressif et que sa tranche d’imposition est de 30 %, en optant pour le versement d’une rémunération sous forme de dividende il réalise un gain de 6,34 €.

            Si l’associé a opté pour le PFU de 30 % et que sa tranche d’imposition est de 30 %, en optant pour le versement d’une rémunération sous forme de dividende il réalise un gain de 8,31€.

 

            Ainsi, en matière de distributions de dividende, le contribuable en quête de neutralité se pliera à ce petit exercice lors de chaque nouvelle loi de finances afin d’ajuster son choix, ce qui le conduira à opter pour la perception de dividendes ou de salaires, selon le gain qu’il peut espérer réaliser.

De ce fait, le principe de neutralité semble subir encore une fois une atteinte non-négligeable, toutefois, celle-ci semble justifiée par le fait que le contribuable cherche à être imposé le moins possible. Peut-être que pour le contribuable, la neutralité fiscale équivaut à une absence de taxation.

 

Si la quête de neutralité qui est menée par les contribuables les pousse à analyser les avantages fiscaux résultant de la perception d’un dividende ou d’un salaire, il convient de ne pas oublier de prendre en considération certains facteurs extérieurs au droit fiscal.

 

2°/ Une quête de neutralité entravée par des éléments extérieurs

 

L’optimisation fiscale que l’on a vue précédemment, réalisée dans un souci de neutralité, doit être nuancée, car de nombreux paramètres extérieurs au droit fiscal rentrent en ligne de compte. En effet, « le choix entre salaire et dividende ne doit pas se faire, sur les seuls critères fiscaux, mais prendre en compte votre mode de vie, votre âge, la possibilité de revente de votre société à moyen terme... [132]». Sont ainsi, notamment pris en compte la couverture sociale ainsi que les droits à la retraite. L’optimisation fiscale variera selon la forme sociale adoptée.

 

            Dans le cadre d’une société individuelle les bénéfices ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés mais sont réputés directement réalisés par l’actionnaire et donc taxés à l’impôt sur le revenu des personnes physiques après un abattement de 10 % pour frais professionnels. De ce fait, aucune distribution de dividende ne peut avoir lieu.

Le principal avantage de ce procédé réside dans le fait qu’au départ, il est fréquent de réaliser de nombreux déficits qui viendront s’imputer sur les autres revenus du foyer.

Toutefois, en tant que travailleur non-salariés (TNS), le contribuable sera affilié à la sécurité sociale et cotisera au régime social des indépendants avec à la clé de faibles cotisations mais, aussi des droits à la retraite plus faibles.

 

            À l’inverse, dans le cadre des sociétés anonymes, par actions simplifiées ou à responsabilité limitée il est possible de distribuer des dividendes D’ailleurs depuis 2013, les SARL subissent les prélèvements sociaux. Toutefois, grâce « aux charges sociales payées, les dividendes versés en SARL génèrent des droits additionnels à la retraite, contrairement aux dividendes de SA[133] ». Toutefois, la catégorie d’imposition variera selon le statut social pour lequel aura opté le contribuable.

Ainsi, pour les dirigeants bénéficiant du régime général de la sécurité sociale, ils seront imposés dans la catégorie des traitements et salaires. Ce cas concerne notamment les présidents de SA, de SAS ainsi que les gérants minoritaires ou égalitaires de SARL.

Les gérants majoritaires de SARL ainsi que les gérants associés d’EURL (statut travailleur non salarié) quant à eux, seront imposés dans la catégorie des rémunérations de l’article 62 du CGI.

Cette distinction est à nuancer dans les faits. En effet, les deux catégories sont soumises aux mêmes règles et n’ont par conséquent, aucun impact fiscal.

 

            Le dirigeant, en quête de neutralité optera dans la plupart des cas où cela est possible (ce qui exclut les sociétés de personnes), pour la perception d’un salaire afin de faire face à ses dépenses et la question de la perception des dividendes ne se posera que s’il existe un surplus appréhendable. Par conséquent, l’option de cumuler salaire et dividende n’est possible que dans les sociétés de capitaux, ce qui peut impacter le principe de neutralité, car le contribuable changera son comportement selon son dessein.

 

Si l’on est dans une SARL, les deux solutions (percevoir un salaire ou des dividendes), coûtent à peu près la même chose, avec un petit avantage pour le salaire. Toutefois, la décision dépend de facteurs extérieurs comme le nombre d’associés décisionnaires et bénéficiaires des dividendes.

Si l’on est dans une SA ou SAS à l’inverse, le versement des dividendes reste le moins coûteux. Néanmoins, ils ne donnent aucun droit à la retraite et doivent par conséquent rester un complément de rémunération. Toutefois, afin d’optimiser sa situation fiscale, il peut être intéressant pour un dirigeant de faire valoir ses droits à la retraite et de continuer à travailler en percevant uniquement des dividendes.

 

            La réforme Macron a eu un impact non-négligeable sur les distributions de dividendes dans la mesure où à partir du 1er janvier 2018 les bénéficiaires de dividendes peuvent décider de voir leurs dividendes imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu ou au taux de 30 % dans le cadre du PFU.

Cette réforme a eu pour effet d’exclure les dividendes de la qualification de rémunération et donc du prélèvement à la source et du crédit d’impôt modernisation et recouvrement (CIMR). De ce fait, « dans la mesure où les dividendes perçus en 2018 ne seront pas annulés par le CIMR, il est conseillé pour les indépendants de se rémunérer en salaire et, ainsi, de voir leur impôt sur le revenu effacé, ce qui ne sera pas le cas avec les dividendes »[134].

 

L’écart entre la perception d’une rémunération au moyen d’un salaire ou d’un dividende semble se creuser. Toutefois, il convient de faire attention aux avantages et inconvénients extra-fiscaux de chacun des deux modes de rémunération afin d’opter pour celui permettant d’échapper aux multiples impositions et présentant l’avantage d’être faiblement taxé.

Par conséquent, « la différence financière entre les deux choix est plus faible qu’il n’y paraît, et le bon choix dépend surtout du prix que chacun est prêt à payer pour acquérir des droits à la retraite[135] ».

Afin d’avoir une vision synthétique des avantages et inconvénients de chacun des deux modes de rémunération le tableau suivant peut-être proposé.

En résumé, la meilleure option serait de combiner la perception d’un salaire et de dividendes pour diverses raisons[136]. Cela permettrait notamment de valider ses trimestres de retraite, de bénéficier d’une protection sociale, d’alléger le montant des charges sociales au niveau de l’entreprise, de bénéficier du PFU et de réduire grâce à la rémunération le montant du bénéfice imposable au niveau de l’entreprise.

De plus, les contribuables en quête de neutralité, arbitreront désormais leur choix en fonction d’un autre facteur, qui est celui de savoir s’il est plus intéressant d’opter pour le barème progressif de l’IR ou alors pour le PFU.

 

Toutefois, le législateur face à ces calculs coûts / avantages a décidé de ne pas rester impassible, ce décidant de lutter contre les comportements identifiés comme déviants.

 

II°/ La lutte législative contre les comportements déviants

 

            Si le législateur souhaite lutter contre les comportements déviants notamment à travers des dispositifs anti-abus (B), il est néanmoins nécessaire d’identifier ce qui caractérise un tel comportement (A).

 

A°/ La notion de comportements déviants

 

Dix-huit mois après le scandale des « Panama Papers » voilà que la finance est bouleversée par un nouveau fait révoltant, celui des « Paradise Papers ». L’ensemble des révélations font suite à une fuite massive de données provenant d’un cabinet international d’avocats, Appleby, situé aux Bermudes.

            Cette fuite massive a permis de dévoiler les trous noirs de la finance. Les contribuables qui, grâce à des schémas sophistiqués d’optimisation fiscale, échappent à toute taxation[137]. Les distributions de dividendes n’étant pas épargnées par ce fléau.

            Selon les calculs effectués par le journal Le Monde et l’ICIJ, cette pratique visant à une optimisation fiscale, entraîne une perte de recettes de l’ordre de 350 milliards d’euros par an, dont 20 milliards d’euros seulement en ce qui concerne la France.

            Ce qui frappe le plus lorsque l’on se penche sur le comportement de ces contribuables « déviants », c’est que la déviance fiscale se manifeste au moyen de méthodes d’optimisation fiscale. Ainsi, s’il s’agit d’une « pratique moralement répréhensible », mais qui est « aujourd’hui légale [138]».

            Toutefois, face à cette déviance, le gouvernement a montré toute sa fermeté en affirmant surveiller cette affaire de près et en promettant d’engager des poursuites à l’encontre des contribuables, personnes physiques ou morales, si l’examen des pratiques relevées s’avéreraient constitutifs d’une infraction.

 

            Le droit fiscal est considéré par de nombreux auteurs et praticiens comme étant l’un des droits les plus complexes C’est justement en raison de cette complexité que les comportements déviants trouvent leur source et prolifèrent. En effet, les contribuables s’attardent simplement à utiliser l’ensemble des possibilités offertes par le législateur afin de construire des montages fiscaux sophistiqués, moins taxés, mais sous couvert de légalité.

            Se met alors en place un véritable jeu du chat et de la souris entre les contribuables, en quête de neutralité, et l’administration fiscale. Les contribuables soutenant que leur montage est légal, qu’il s’agit tout au plus d’évasion fiscale tandis que, l’administration, soutenant quant à elle qu’il s’agit d’une fraude fiscale.

 

            Les interactions entre les contribuables et l’administration fiscale peuvent être résumées au moyen du tableau suivant [139] :

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Grille de lecture :

Le contribuable a deux possibilités, à savoir, utiliser un montage pour éviter l’impôt ou ne pas y recourir. L’administration considérera quant à elle que la décision prise par le contribuable est légale ou illégale. Ainsi, combinant la décision prise par le contribuable et la position de l’administration fiscale, les montages peuvent être définis comme suit [140] :

  • Un montage intentionnel d’évitement de l’impôt, qualifié de légal, constitue l’évasion fiscale, c’est-à-dire l’habileté à utiliser les textes juridiques pour diminuer la somme à payer.

  • Un montage intentionnel désigné comme illégal par les autorités constitue la fraude fiscale.

  • L’absence de montage intentionnel associé au respect des obligations légales caractérise la compliance.

  • L’absence de montage conduisant à une violation de la loi traduit l’erreur, forme involontaire de soustraction à l’impôt.

 

            De ce fait, la frontière entre le légal et l’illégal, entre l’évasion et la fraude fiscale est très floue. C’est la raison pour laquelle, les contribuables au moyen de leurs conseils développent sans cesse des montages fiscaux afin de bénéficier d’une économie d’impôt non-négligeable. Toutefois, l’administration fiscale voit cela d’un mauvais œil, elle s’efforce donc de combattre ces schémas fiscaux au moyen de sa doctrine ou en incitant le législateur à intervenir. C’est la raison pour laquelle la frontière entre les deux notions est très flottante.

 

            Ainsi, en matière de taxation des dividendes, le contribuable se trouve face aux quatre possibilités évoquées plus haut, à savoir : l’erreur, la compliance, la fraude ou l’évasion fiscale. En quête de neutralité fiscale, le contribuable aura un comportement déviant lorsqu’il aura opté pour l’évasion ou la fraude fiscale plutôt que de se conformer.

            En effet, le contribuable ayant commis une erreur ou se conformant aux règles ne sera pas considéré comme un déviant à l’inverse des contribuables ayant opté pour l’une des deux autres possibilités restantes.

           

            Le contribuable qui se prête à de l’optimisation fiscale le fait souvent de manière utilitariste, c’est-à-dire avec la seule volonté de réaliser un bénéfice ou une économie d’impôt. Toutefois, son action est également biaisée de par sa moralité et ses représentations sociales.

En effet, diverses enquêtes mondiales montrent le lien évident qui existe entre la morale d’une personne et son comportement, bien que cette première variant d’un pays à l’autre.

Selon cette étude, seulement 53 % des personnes interrogées considèrent qu’il n’est jamais justifiable de tricher avec l’impôt[141]. Il est important de remarquer que le caractère déterminant dans la tricherie réside dans la légitimité politique de l’impôt. Ainsi, un impôt injuste semblerait favoriser et justifier la fraude fiscale.

 

Ainsi, en matière de dividendes, les multiples impositions qui frappent le même revenu sont considérées comme injustes. C’est la raison principale qui conduit les contribuables à adopter des comportements déviants. Toutefois, si ce sentiment d’injustice est l’une des raisons principales qui conduit les contribuables percevant des dividendes à chercher à optimiser ces revenus, les autres raisons ne doivent pas être négligées.

 

            Pour Marc Leroy, si une nouvelle défiance fiscale a pu proliférer, bien qu’ignorée du grand public, c’est en raison de la globalisation du capitalisme financier. Ainsi, ce sont notamment les entreprises multinationales et les personnes fortunées qui pratiquent pour l’essentiel une défiscalisation massive en instrumentant les possibilités offertes par le droit fiscal pour échapper en toute légalité à l’imposition sur leurs bénéfices, dividendes, …

            La décision d’opter pour un comportement déviant varie selon la catégorie socio-économique à laquelle le contribuable appartient. Parmi les éléments pouvant influencer le comportement du contribuable, il y a l’âge, le niveau d’éducation, le genre, la préférence partisane, le revenu, le niveau d’éducation, mais encore la classe sociale.

Par exemple, les jeunes[142] et les êtres humains de sexe masculin[143] se montrent plus indulgents envers la fraude fiscale. Ou bien encore, les contribuables les plus éduqués pratiquent plus fréquemment la fraude fiscale[144].

 

            Les décisions du contribuable pouvant avoir un impact sur l’économie globale différant selon la catégorie socio-économique de celui-ci comme le montre le tableau ci-dessous[145].

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Grille de lecture :

            Le contribuable a la possibilité d’opter pour trois options, à savoir, la violation l’utilisation ou la compliance au droit fiscal. Chacune de ces décisions pourra avoir un impact fort, moyen ou faible sur l’économie globale.

            Toutefois, entre la décision que prend le contribuable et l’impact sur l’économie globale, le choix du contribuable va différer selon qu’il soit salarié, riche, actionnaire ou associé. En résumé, sa décision variera selon sa catégorie socio-économique de référence.

 

            Si l’on se réfère au tableau, nous pouvons remarquer que les entreprises multinationales, mais également les contribuables personnes physiques les plus aisés s’adonnent à l’utilisation des possibilités offertes par la complexité du droit fiscal afin d’optimiser leurs revenus.

 

Ainsi, en matière de dividendes, il convient de distinguer deux types de sociétés, les sociétés de personnes et les sociétés de capitaux.

Les premières, ont plutôt tendance à se conformer aux règles fiscales. Ce conformisme s’explique notamment par le fait que les bénéfices réalisés par ces sociétés sont réputés être directement perçus par l’actionnaire.

À l’inverse, les secondes ont quant à elles plutôt l’ambition et l’habitude de se livrer à l’élaboration de nombreux et complexes montages fiscaux visant à lutter contre l’imposition, et les multiples impositions de ce même revenu.

 

            L’autre raison de cette nouvelle déviance fiscale trouve son fondement dans le développement des paradis fiscaux. Environ 2 millions d’entreprises offshore sont installées dans ces pays-là, ce qui entraîne une perte de recette non-négligeable. Ainsi, cette perte est de l’ordre de 3 % du Produit intérieur brut (ci-après PIB) Français, 6 % du PIB américain, 2,5 % du PIB européen. Soit, en France, des pertes annuelles représentant entre 60 à 80 milliards d’euros[146].

            La localisation des actifs du contribuable dans des paradis fiscaux s’explique par le fait que les contribuables sont en quête permanente de neutralité, peu important que la déviance soit la seule manière d’y parvenir. Ainsi, dans cette quête le contribuable préfère délocaliser ses opérations au sein de territoires à fiscalité privilégiée ou au sein de territoires dont les juridictions sont non-coopératives, afin de bénéficier d’un faible taux d’imposition. En France, sont considérés comme des États à fiscalité privilégiée, les états dont le taux d’imposition sur les bénéfices est inférieur à 16,67 %.

 

Si, lorsque l’on évoque les pays à fiscalité privilégiée ou également appelés « paradis fiscaux » l’on pense tout d’abord à des pays tels que les îles Caïman, les Antilles, les Bermudes, il existe des pays plus continentaux à l’image du Liechtenstein ou encore du Luxembourg.

            Plus récemment, le Conseil de l’Union européenne par un communiqué de presse du 23 janvier 2018 a annoncé retirer 8 pays de la liste noire de l’Union européenne[147]. Sont ainsi concernés par cette mesure, la Barbade, la République de Corée, les Émirats arabes unis, la Grenade, la région administrative spéciale de Macao, la Mongolie, le Panama ainsi que la Tunisie.

         Bien que ne faisant plus partie de la liste noire, ces états intégreront une liste intitulée « pays et territoires faisant l’objet d’un suivi attentif », ce qui les placera sous un contrôle étroit de l’Union européenne.

         De plus, a été déposé une proposition de loi à l’Assemblée nationale le 24 janvier 2018 visant à créer une liste française des paradis fiscaux[148].

 

            Les dividendes qui constituent une catégorie de revenus clairement définis n’échappent pas à cet engouement qu’ont les sociétés à localiser les bénéfices réalisés par leur société au sein de paradis fiscaux.

Toutefois, le législateur face à ces comportements ne reste pas impassible. Il a ainsi multiplié les dispositifs fiscaux visant à lutter contre le versement de dividendes à l’étranger et à lutter contre les abus de droit.

 

B°/ Les dispositifs anti-abus

 

Le législateur, soucieux de lutter contre les comportements déviants, s’est notamment attaqué aux montages dits « coquillards ». Ces montages consistent, pour une société dite « le coquillard » de cumuler les avantages du régime mère-fille et d’un autre régime fiscal.

Ainsi, dans un premier temps, la société-mère peut percevoir au titre d’un même exercice, des dividendes de sa filiale (appelée la coquille) exonérés d’IS en application du régime des sociétés-mères ou de l’intégration fiscale. Puis, dans un second temps, de déduire une perte, une moins-value ou une provision pour dépréciation au taux de droit-commun de l’IS correspondant au montant des dividendes préalablement perçus.

 

            De manière plus condensée, ce schéma d’optimisation permettait à une société de percevoir des dividendes en quasi-franchise d’impôt puis à absorber la filiale en se plaçant sous le régime de faveur de l’article 210 A du CGI, le tout dans un délai de moins de deux ans après son acquisition.

            Si très vite, l’administration fiscale soucieuse de lutter contre les comportements déviants a tenté de remettre en cause ce schéma, elle n’y est pas parvenue. En effet, ces genres de montages n’ont pas pu être requalifiés, ni redressés sur le terrain de l’abus de droit pour fraude ou simulation en raison de l’absence de caractère fictif ou de but exclusivement fiscal. C’est ce qui a conduit le législateur à intervenir afin d’instaurer des dispositifs anti-abus[149].

 

            Le législateur interviendra afin de mettre un terme à ces schémas au moyen de l’article 16 de la loi de finances pour 2012. Si dans la rédaction de l’article, le législateur a tenu bon de préciser que l’exonération des dividendes n’est pas remise en cause, en ce qui concerne la moins-value, il en est tout autre. En effet, la moins-value à court terme réalisée par la société-mère à l’occasion de l’annulation de droits sociaux détenus par la filiale n’est pas déductible de son résultat à hauteur du montant des distributions ayant ouvert droit au régime des sociétés-mères depuis leur acquisition (article 145 du CGI) ou du régime de l’intégration fiscale (article 223 B du CGI).

            Par une lecture a contrario, si les moins-values sont exclues du régime du court-terme, les plus-values demeurent quant à elles soumises au régime du court terme.

            Par une lecture littérale du texte, le montant des dividendes distribués constitue un plafond au-delà duquel l’excédent de moins-value demeure déductible à court terme dans les conditions de droit-commun[150].

            De par cet article, les sociétés doivent désormais être en mesure de justifier à l’administration le montant et l’origine des distributions reçues en franchise d’impôt[151].

            Par ailleurs, de par cet article, le législateur vient supprimer l’intérêt qui consistait à percevoir à la fois des dividendes en quasi-franchise d’impôt et de constater une moins-value. Ainsi, le législateur s’efforce de lutter contre les comportements déviants.

 

            Si au départ, le législateur n’entendait remettre en cause que certains types de schémas identifiés comme déviants, désormais, il s’efforce de lutter contre tout comportement susceptible d’être considéré comme déviant. La lutte contre les comportements déviants est devenue au cours du temps un principe à vocation général.

 

            C’est ainsi qu’un dispositif anti-abus qui a vocation à s’appliquer aux exercices clos depuis le 1er janvier 2016[152], trouvant son inspiration dans une directive de 2015[153] figure à l’article 119 ter du CGI.

Ce nouvel article dispose que, « l’exonération prévue au 1 de l’article 119 ter ne s’applique pas aux dividendes distribués dans le cadre d’un montage ou d’une série de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre d’objectif principal ou au titre d’un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité de ce même 1, n’est pas authentique compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances pertinents ».

 

            La non-authenticité d’un montage pouvant être interprétée de manière large, le législateur a jugé nécessaire de préciser cette notion. Ainsi est considéré comme non-authentique un montage n’ayant « pas été mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique ».

 

De plus, le considérant introductif numéro 8 de la directive de 2015 indique que « même si les États membres devaient utiliser la disposition anti-abus pour s'attaquer à des montages qui, dans leur intégralité, ne sont pas authentiques, il peut aussi arriver que seules certaines étapes ou parties d'un montage ne soient pas authentiques. Les États membres devraient également pouvoir recourir à la disposition anti-abus pour s'attaquer à ces étapes ou parties spécifiques, sans préjudice des autres étapes ou parties authentiques du montage ».

            Il semblerait que le législateur français se soit fait l’écho de ce considérant, puisque l’article 119 ter du CGI a jugé utile de préciser qu’un montage « peut comprendre plusieurs étapes ou parties ». Cet alinéa est susceptible de laisser entendre, qu’il est possible de critiquer partiellement des étapes ou des parties d’un montage fiscal.

           

Toutefois, reprenant stricto sensu les critères de la directive, le montage ne serait considéré comme abusif que si trois conditions cumulatives sont réunies. Il faut un but principalement fiscal, allant contre l’objet ou la finalité de la directive, à travers un montage non-authentique, c’est-à-dire mis en place pour des motifs non commerciaux jugés non valables[154].

 

            Si le législateur a entendu multiplier les dispositions spéciales visant à remettre en cause les schémas abusifs, l’administration conserve la faculté de remettre en cause lesdits schémas sur le fondement de l’article 64 du livre des procédures fiscales (ci-après LPF). Tel est le cas par exemple des filiales dépourvues de toute substance économique, comme l’a retenu à diverses reprises le Conseil d’État[155].

            Cet article dispose que constitue un abus les actes qui « ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ».

 

            Si l’administration se retrouve face à des actes non-fictifs, elle devra prouver que la société cessionnaire des participations, en recherchant le bénéfice d’une application littérale des dispositions relatives au régime des sociétés-mères à l’encontre des objectifs poursuivis par le législateur n’a pas eu d’autre but que d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales découlant de l’opération.

Ainsi, si le défaut de substance économique peut constituer un élément de preuve du but exclusivement fiscal, il ne saurait suffire en lui-même à caractériser l’abus de droit. Afin d’émettre un avis favorable quant à la mise en œuvre de la procédure de répression des abus de droit, le comité de l’abus de droit fiscal s’est notamment appuyé sur :

 

  • Le défaut de substance économique des filiales, celles-ci n’exerçant plus d’activité opérationnelle.

  • L’existence d’une contrariété entre l’acquisition des participations réalisées dans un but exclusivement fiscal et les objectifs poursuivis par le législateur lors de l’adoption de ce régime.

 

Pour l’administration, un montage est considéré comme non-authentique, dès lors que le montage n’est pas lié à l’exercice d’une activité commerciale au sens de l’article 34 du CGI. Sont donc susceptibles d’être considérées comme présentant des motifs valables au sens de la clause, des structures de détention patrimoniales, d’activités financières ou encore des structures répondant à un objectif organisationnel.

Toutefois, lorsqu’un montage procure des avantages économiques et fiscaux, mais que le premier s’avère marginal, alors le motif économique est susceptible d’être considéré comme non-valable[156]. Ainsi, le juge et l’administration fiscale procéderont à une appréciation in concreto.

 

Toutefois, en faisant cohabiter des dispositions spéciales issues de Directives de l’Union européenne ainsi que des dispositions générales de droit français, il est possible de se demander quelle est la portée que la Commission européenne a entendue donner aux clauses anti-abus.

Pour les praticiens, il convient de connaître le champ d’application de chacun des deux textes. Certains auteurs, soutenant que l’on sera en « présence d’un abus de droit à deux vitesses ».

 

Il existe certaines différences entre l’article 64 du LPF et les dispositions anti-abus issues des Directives européennes, qu’il est possible de pointer.

Tout d’abord, si l’article 64 du LPF ne fait référence qu’à la notion de but exclusivement fiscal, les textes européens luttant contre les abus disposent quant à eux d’un champ d’application beaucoup plus vaste.

Toutefois, la différence majeure entre les deux dispositions tient à leur fonction. En effet, la clause anti-abus est une règle d’assiette de l’impôt sur les sociétés qui, insérée à l’article 145 du CGI, fixe les conditions d’application du régime des sociétés-mères et filiales. Tandis que, l’article 64 du LPF prévoit, quant à lui, les sanctions applicables en cas de montage abusif.

 

Par conséquent, l’administration fiscale pourra tout d’abord remettre en cause l’application du régime de faveur sur le fondement de la clause anti-abus et ensuite à condition que les critères de l’abus de droit soient réunis appliquer les pénalités prévues dans ce cas.

 

Pour la première fois, le Conseil d’État, par trois arrêts en date du 23 juin 2014[157] vient condamner une société ayant utilisé des coquilles vides afin de dégager de la trésorerie, en considérant qu’il s’agissait d’un abus de droit au motif que la société-mère n’a pas cherché à remonter l’activité de ces filiales. Pour certains auteurs, ces arrêts signifiant que la « fête est finie[158] ».

Si l’on revient à la genèse du régime, mère-fille, ce dernier a été mis en place afin de favoriser l’implication des sociétés-mères dans le développement économique de ses filiales. De telles sortes, que les montages coquillards sont constitutifs d’un abus de droit[159].

Toutefois, ces arrêts ont une valeur plus historique que pratique en raison des dernières évolutions législatives visant à s’opposer à la réalisation d’opérations permettant de cumuler l’exonération de dividendes et la déduction des pertes.

 

Si le principe de neutralité connaît des atteintes, il est revenu au cœur des préoccupations du droit fiscal français, européen et international.

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